Traduit par
Clémentine Martin
Publié le
22 novembre 2023
Cinq mois après avoir tenté de vendre d’importantes participations dans deux grands actifs immobiliers en plein centre de Paris, le géant du luxe Kering les a discrètement retirés du marché.

La décision est pour le moins inattendue. Les deux propriétés en question, toutes deux situées dans des quartiers commerçants stratégiques, ont été mises en vente par Kering en juin, six mois à peine après les avoir acquises. Au printemps dernier, Kering a mis la main sur deux bâtiments dont les adresses ont de quoi faire rêver les fans de luxe: le 35 avenue Montaigne et le 235 rue Saint-Honoré.
Les deux immeubles sont actuellement en train d’être rénovées de pied en cap afin de pouvoir accueillir les flagships de deux maisons parmi les plus prestigieuses de Kering: Saint Laurent et Gucci.
Étonnamment, le conglomérat parisien de luxe a pourtant décidé de mettre les deux propriétés en vente en juin. Le groupe aurait fait appel à Cushman & Wakefield pour gérer la transaction, avec la mission de vendre 80% de chacune des deux structures.
Mais malgré leurs qualités évidentes (le 35 avenue Montaigne occupe une surface de 8.300 mètres carrés et le 235 rue St Honoré, qui fait l’angle pour inclure le 12-14 rue Castiglione, s’étend sur 8.000 mètres carrés), les deux bijoux n’ont apparemment pas trouvé preneur. Le marché de l’immobilier tourne actuellement au ralenti en raison de taux d’intérêt élevés et de préoccupations économiques globales. En tout cas, Kering n’a pas réussi à trouver des acquéreurs susceptibles de débourser le montant demandé pour rafler les deux biens immobiliers.
Selon le site CFNews Immo, la bible de l’immobilier français, Cushman & Wakefield a pourtant contacté 60 acheteurs potentiels. Plus d’une douzaine d’entre eux auraient été jusqu’à visiter les sites, qui mêlent espace commercial et bureaux.
Interrogé, un porte-parole de Kering n’a pas souhaité commenter ces informations.

Auparavant occupé par l’ambassade du Canada à Paris, le 35 avenue Montaigne est actuellement l’adresse d’un flagship Valentino sur trois étages. En juillet, Kering a conclu un accord pour acquérir 30% de Valentino pour 1,7 milliard d’euros auprès de Mayhoola, un fonds d’investissement contrôlé par la famille royale qatarie.
Kering aurait déboursé 860 millions d’euros pour le 35 avenue Montaigne, soit 250.000 euros par mètre carré d’espace commercial et 40.000 euros par mètre carré d’espace de bureau. La plus grande partie de l’espace retail hébergera bientôt le plus grand flagship Saint Laurent au monde.
Le 235 rue St Honoré, pour sa part, aurait été acquis par Kering pour la somme de 640 millions d’euros. Kering prévoit d’y ouvrir une giga-boutique Gucci d’ici 2025, conçue par l’architecte Franklin Azzi et inspirée de son flagship/galerie/concept-store de la Piazza della Signoria, au centre de Florence.
Le projet de vendre des participations dans les deux biens immobiliers a fait hausser quelques sourcils dans le milieu de l’immobilier parisien.
“Le projet en lui-même était très étrange. Je suppose que Kering comptait conserver 20% pour garder le contrôle de l’espace commercial. Mais si l’acheteur avait souhaité revendre le bâtiment, Kering aurait eu un droit légal à la première option en France, et aurait donc été impossible à évincer. Si l’on y réfléchit, qui aurait intérêt à acheter un bâtiment dans ces conditions?“, souligne un propriétaire de plusieurs espaces commerciaux et de bureaux au centre de Paris.
Selon lui, l’objectif final de François-Henri Pinault, le PDG de Kering et héritier de la famille à la tête du groupe, était de prendre le contrôle de plusieurs destinations retail stratégiques, tout en les rendant inaccessibles à Bernard Arnault, le PDG et actionnaire principal du concurrent LVMH, bien plus puissant et également engagé dans une course au rachat d’immobilier. La nouvelle méga-boutique Gucci sera d’ailleurs implantée dans la rue Saint-Honoré, juste en face de l’un des établissements les plus chics de Louis Vuitton, le joyau de la couronne de LVMH.
Comme l’avait alors rapporté FashionNetwork.com, Kering et son grand rival LVMH se sont tous les deux engagés dans une course au rachat immobilier l’année dernière et ont acquis plusieurs propriétés pour une valeur totale de 2,4 milliards d’euros dans le centre de Paris.
Aujourd’hui, le milieu de l’immobilier s’interroge: que va faire Kering? François-Henri Pinault va-t-il tenter de prendre le contrôle du bâtiment où sera implantée la prochaine boutique Saint Laurent, au 123 avenue des Champs-Élysées? Tentant, dans la mesure où l’avenue voit passer 100.000 visiteurs chaque jour, dont 70% d’étrangers.
La décision de retirer les deux propriétés du marché intervient alors que Kering vient d’émettre 800 millions de livres (919,24 millions d’euros) d’obligations, accroissant d’autant sa flexibilité financière et diversifiant ses sources de financement en accédant au marché des obligations en livres sterling pour la première fois de son existence.
En 2022, Kering employait plus de 47.000 personnes et a réalisé des revenus de 20,4 milliards d’euros. Son remarquable portefeuille de marques comprend notamment Gucci, Saint Laurent, Bottega Veneta, Balenciaga, Alexander McQueen, Brioni, Creed, Boucheron, Pomellato, DoDo, Qeelin, Ginori 1735 et les départements Kering Eyewear et Kering Beauté.
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